Le vent souffle fort sur les landes. Un marin hollandais pose le pied sur la jetée de Saint Andrews, un bâton à la main et une balle de cuir dans la poche. Il ne le sait pas encore, mais il vient d’apporter en Écosse la graine d’un sport qui fera le tour du monde…
Loenen aan de Vecht, 1297
C’est jour de fête dans ce village des Pays-Bas. Les hommes se défient dans un jeu étrange qu’ils appellent colf.
« Plus près du tonneau que moi, Willem ! Tu es sûr de viser avec ton bon œil ? » lance un joueur en riant.
Pas de parcours, pas de trous… juste une balle en cuir et une cible à atteindre, qu’elle soit un arbre, une porte ou un poteau. L’essentiel est de frapper juste, et fort.
Ce jeu populaire prend de l’ampleur. Tellement que, dès 1360, à Bruxelles, les autorités en interdisent la pratique dans les rues : trop de vitres brisées, trop d’accidents. La loi finira par autoriser le colf, mais seulement hors des murailles de la ville.
En 1483, à Haarlem, pour la première fois, on tond l’herbe d’un pré pour en faire un terrain de jeu… et on ne le sait pas encore, mais le mot “fairway” vient de naître.
Saint Andrews, XVIe siècle
Les marins hollandais ont apporté leurs clubs et leurs balles sur la côte est de l’Écosse. Ici, le jeu évolue. Les cibles deviennent des trous creusés dans le sable. Les dunes et le vent ajoutent une difficulté qui plaît aux Écossais.
Un document officiel de 1501, le Traité de Glasgow, mentionne le golf comme un loisir apprécié. Mais cinquante ans plus tôt, le roi Jacques II d’Écosse avait déjà tenté de l’interdire :
« Mes sujets passent trop de temps à ce jeu inutile. Qu’ils s’entraînent plutôt au tir à l’arc ! »
L’interdiction n’a pas tenu. Le golf est là pour rester.
Leith, 2 avril 1744
Une foule se rassemble autour d’un parcours en bord de mer. C’est le premier tournoi officiel connu. Les organisateurs de l’Honourable Company of Edinburgh Golfers distribuent une feuille : treize règles précises pour éviter les litiges.
Dix ans plus tard, à Saint Andrews, le Royal and Ancient Golf Club reprendra presque mot pour mot ces règles. Leur stabilité fera d’eux la référence mondiale. Et quand Saint Andrews réduit son parcours de 22 à 18 trous, ce format devient la norme.
La révolution de la guttie
Nous sommes en 1848. Dans un atelier écossais, un artisan roule entre ses mains une balle en caoutchouc naturel.
« Plus solide, moins chère… elle ira plus loin, et plus droit. »
La guttie remplace la balle en plumes, et le jeu change à jamais. Les alvéoles viendront bientôt améliorer sa trajectoire.
Les clubs, eux aussi, évoluent : le bois laisse place à l’acier, les grips apparaissent, et dans les années 1960, la conception périmétrique pardonne les coups imparfaits. Même les tees, sacs et chaussures se modernisent.
Le golf conquiert le monde
Grâce aux officiers écossais en poste à l’étranger, le golf s’exporte :
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Calcutta en 1829
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Bombay en 1842
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Pau en 1856, où les Britanniques tombent amoureux du climat béarnais
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Nouvelle-Zélande, Canada, Afrique du Sud, États-Unis…
En Angleterre, on distingue les links en bord de mer des inlands, créés à l’intérieur des terres, comme à Wimbledon et Liverpool.
Les héros et le Grand Chelem
En 1860, l’Écosse organise le premier Open Championship.
En 1930, Bobby Jones, élégant amateur, réussit un exploit que personne n’a égalé depuis : remporter la même année l’Open britannique, l’Open américain et les deux plus grands tournois amateurs. Le journaliste Oscar Bane emprunte au bridge le terme Grand Chelem pour décrire cet exploit.
Plus tard, la formule moderne s’impose : The Masters, The Open Championship, U.S. Open, PGA Championship.
Les visages d’une légende
Chaque époque a ses géants :
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Bobby Jones, gentleman et stratège.
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Ben Hogan, Byron Nelson, Sam Snead, héros de l’après-guerre.
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Arnold Palmer et Jack Nicklaus, les rivaux mythiques des années 60, avec Gary Player en troisième homme.
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Severiano Ballesteros, artiste espagnol des années 80, Nick Faldo, Bernhard Langer…
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Et bien sûr Tiger Woods, qui dans les années 2000 propulse le golf sous les projecteurs du monde entier.
Les femmes entrent en jeu
Longtemps dans l’ombre, le golf féminin s’affirme. Après la Seconde Guerre mondiale, Mildred “Babe” Zaharias ou Mickey Wright marquent les esprits. Mais c’est dans les années 90 que le plateau devient véritablement mondial : Annika Sörenstam, Karrie Webb, Lorena Ochoa… et la vague asiatique qui domine aujourd’hui les circuits féminins.
Le golf au XXIe siècle
En 2005, on compte 32 000 parcours dans le monde, dont la moitié aux États-Unis. L’Asie connaît une croissance fulgurante, notamment la Chine qui passe de 1 parcours dans les années 80 à plus de 200 en 2005.
En 2016, le golf retrouve sa place aux Jeux Olympiques, 112 ans après l’avoir quittée.
Épilogue : un sport qui relie passé et futur
Des rues pavées de Loenen aux greens impeccables d’Augusta, le golf a traversé les siècles, porté par ses champions, ses traditions et ses innovations.
Chaque fois qu’un joueur aligne sa balle sur un départ, il reproduit, sans le savoir, un geste vieux de 800 ans.
Car le golf n’est pas seulement un sport. C’est une histoire… et nous en écrivons encore les chapitres.
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Rédacteur : Mathieu HOUSSIN