Le golf, plus qu’un sport, est un langage. Sur un parcours, les mots fusent autant que les balles : birdie, mulligan, green, bogey…
Mais derrière ce jargon se cache une histoire riche, parfois sérieuse, souvent savoureuse, qui raconte autant l’évolution du jeu que celle de ses pratiquants.
Plongeons dans ces dix termes emblématiques, pour découvrir leurs racines, leurs secrets, et leur rôle aujourd’hui.
Birdie – Quand l’oiseau fait son nid sur le score
Le mot birdie est né aux États-Unis au tournant du XXe siècle. En 1899, au club de golf de l’Atlantic City Country Club, trois joueurs – Ab Smith, William P. Smith et George A. Crump – disputent une partie amicale.
Lorsqu’Ab Smith réussit à jouer un trou en un coup de moins que le par, il s’exclame :
« That was a bird of a shot ! »
À l’époque, bird est une expression américaine pour désigner quelque chose d’exceptionnel. Le mot se transforme vite en birdie, et devient officiel dans les années 1910.
Aujourd’hui, un birdie reste un moment rare, synonyme de maîtrise et de précision. Dans le langage des golfeurs, il marque souvent un tournant positif dans la partie.
Eagle – L’aigle américain qui plane sur le par
Si birdie évoque un oiseau, eagle (aigle) en est la version surpuissante.
Un eagle, c’est deux coups de moins que le par. L’expression apparaît logiquement après celle de birdie, probablement dans les années 1920, aux États-Unis également.
Pourquoi l’aigle ? Parce qu’il symbolise la grandeur et la force, mais aussi parce qu’il est l’oiseau national américain.
Un eagle est rare, souvent célébré avec enthousiasme, et presque toujours le fruit d’un coup long parfaitement exécuté.
Bogey – Du fantôme au score
Le mot bogey a une origine surprenante. Au XIXe siècle, en Angleterre, le Bogey Man est un personnage de chanson populaire, sorte d’« homme du sable » ou fantôme.
Dans le golf militaire, on parlait de « chasser le Bogey Man », c’est-à-dire affronter un score idéal fixé par un adversaire imaginaire.
Peu à peu, le bogey est devenu un repère : le score que les meilleurs amateurs pouvaient espérer atteindre. Au fil du temps, le sens a évolué pour désigner un coup au-dessus du par.
Par – Le point d’équilibre du jeu
Par vient du latin par (« égal ») et signifie « niveau convenu ».
Dès la fin du XIXe siècle, les clubs britanniques commencent à établir un nombre idéal de coups pour chaque trou.
Le par est né comme référence universelle, permettant de comparer les scores des joueurs sur un pied d’égalité.
Aujourd’hui, c’est la colonne vertébrale du golf : tout score s’y rattache.
Green – Le joyau du parcours
Le green n’est pas qu’une pelouse : c’est la surface la plus fine, la plus travaillée du parcours, celle où repose le trou.
Son nom vient simplement de sa couleur et de l’anglais ancien grene.
Historiquement, les premiers greens naturels étaient des zones d’herbe rase entretenues par les moutons sur les links écossais.
Avec le temps, les techniques d’entretien ont transformé ces espaces en véritables tapis, entretenus au millimètre par les greenkeepers.
Le green est à la fois le théâtre des coups décisifs et l’endroit où la concentration atteint son apogée.
Bunker – Héritage militaire sur le fairway
Le mot bunker vient de l’écossais et du vocabulaire militaire, où il désigne un abri protégé.
Sur les links, les premiers bunkers étaient des creux naturels formés par le vent et fréquentés par les moutons pour s’abriter. Les golfeurs les ont intégrés au jeu comme obstacles stratégiques.
Aujourd’hui, le sable blanc parfaitement ratissé des parcours modernes contraste avec l’origine rude et naturelle de ces pièges.
Fairway – L’autoroute du golfeur
Le fairway désigne la bande d’herbe tondue entre le départ et le green.
L’étymologie de fair (« clair, dégagé ») et way (« chemin ») résume bien l’idée : la voie idéale vers le trou.
Les links écossais originels avaient des fairways dessinés par l’usage répété, alors que les inlands modernes les tracent avec précision.
Les architectes célèbres comme Alister MacKenzie ou Robert Trent Jones ont façonné des fairways mythiques, jouant avec les reliefs et les perspectives.
Links – Le berceau du golf
Un links est un type de parcours situé sur une bande côtière sablonneuse, souvent balayée par le vent.
Le mot vient de l’écossais hlinc, signifiant « terrain ondulé ».
Ces terrains, inutilisables pour l’agriculture, furent idéaux pour le golf dès le XVe siècle.
Saint Andrews, Muirfield, Royal Troon… autant de noms qui font vibrer les puristes. Les links restent le test ultime : pas d’arbres, un vent capricieux, et une herbe naturelle qui dicte le jeu.
Inland – Le golf terre-à-terre
Par opposition aux links, les parcours inland se situent à l’intérieur des terres.
Nés plus tard, au XIXe siècle, ils offrent plus de variété paysagère : arbres, pièces d’eau, reliefs artificiels.
Des architectes comme Harry Colt ou Tom Fazio ont perfectionné l’art de l’inland, avec des parcours comme Wentworth en Angleterre ou Augusta National aux États-Unis.
Mulligan – Le coup de la seconde chance
Ah, le fameux mulligan… Légende vivante du golf amateur, ce coup rejoué sans pénalité est absent des règles officielles, mais bien présent dans les parties amicales.
Son origine est disputée. L’histoire la plus populaire raconte que David Bernard Mulligan, golfeur canadien dans les années 1920, aurait raté son drive au premier trou et, frustré, en aurait rejoué un « pour s’échauffer ». Ses partenaires auraient baptisé ce coup extra d’après son nom.
D’autres versions évoquent un hôtelier irlandais qui offrait une deuxième balle à ses invités.
Quoi qu’il en soit, le mulligan est aujourd’hui un symbole d’indulgence… et de bonne camaraderie.
Conclusion – Un sport, un langage
Comprendre ces mots, c’est entrer dans l’intimité du golf.
Ils racontent l’histoire d’un sport qui a voyagé des dunes écossaises aux greens impeccables d’Augusta, des champs battus par le vent aux fairways taillés au cordeau.
Pour le golfeur, chaque terme porte une émotion : la fierté d’un birdie, la frustration d’un bogey, la satisfaction d’un par, ou le sourire complice d’un mulligan accordé.
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Rédacteur : Mathieu HOUSSIN